Le fumeur de pipe
Ce texte est en fait le résultat d’un travail d’atelier littéraire. L’exercice imposé aux participants consistait à s’inspirer d’une image et à raconter l’histoire en 300 mots maximum. Le temps alloué était de vingt minutes. Je vous livre donc « Le fumeur de pipe ».

Le fumeur de pipe
Le soir d’été apporte un peu de fraîcheur après une longue journée à lutter contre les degrés éprouvants d’un soleil d’août. Sylvain, le corps humide au sortir d’une douche glacée, s’approche de la table en teck où l’attend patiemment une Churchwarden. Délicatement posée sur son support d’ébène, la pipe l’invite à l’ultime plaisir de bouffées tardives au chant des cigales qui ne cessent leurs cymbalisations. À côté d'elle, une allumette suscite l’envie plus que tout autre moyen d’allumage. Sylvain ne peut y résister plus longtemps. Il ouvre la tabatière d’où se dégage immédiatement le parfum sucré de l’Alsbo Vanilla. Lentement, méthodiquement, il bourre le foyer de sa longue pipe et tasse délicatement le tabac. Sa respiration s’est accélérée sans qu’il s’en aperçoive. Il salive du plaisir à venir. L’allumette craque alors et l’odeur âcre du soufre vient catalyser cette envie de première bouffée. Sylvain creuse les joues, aspirant doucement et par à-coups afin de bien propager la flamme. Puis, sa respiration s’apaise d’elle-même tandis que, dans le foyer, la combustion monte en température. Il ralentit le tirage. L’aspiration se fait plus longuement. La fumée se densifie dans sa bouche avant de ressortir en volutes tout autour du tuyau. Alors, il bascule sa tête en arrière, tape l’allumette qui s’éteint et la pose dans le cendrier. S’allongeant enfin dans le transat, il contemple les étoiles qu’un voile à la senteur de vanille vient troubler parfois. Le temps justement, est à lui désormais. Suspendu à ses bouffées, Sylvain a cessé de courir pour le prendre sur son dos. Tout le temps que se prolongera le fumage, il n’aura plus d’emprises sur lui. Une heure peut-être, un peu moins sans doute. Mais, Sylvain le sait, ce temps-là pour une fois lui appartient. À lui seul.